Dictionnaire égoïste d'ajaccio

Il en est de sa ville natale pour Constant Sbraggia comme de la montagne Sainte Victoire pour Paul Cézanne. C'est une évidence, une donnée, un paysage familier et c'est une inépuisable source d'émotion. Comme la fameuse montagne, Ajaccio est la matière d'une gamme infinie d'exercices de style : comment exprimer toutes les nuances, comment ne rien laisser dans l'ombre, dire le moindre détail, comment être scrupuleusement fidèle à tout ce qui constitue Ajaccio et qui est émouvant. De livre en livre, c'est le propos de celui qui a déjà donné Tino Rossi l'Ajaccien, Ajaccio repères, Aria Marina, Ajaccio blues, Ajacciennes Ajacciens.

Dans le Dictionnaire égoïste d'Ajaccio, il examine le bleu de la mer, celui du ciel, le soleil radieux, les souvenirs de l'enfance et de l'adolescence, les années heureuses, les vieilles rues et le temps qui va, les plages, les copains, les filles, les soirées. Il y a même la recette du congre aux câpres et l'art et la manière de boire le pastis... Mais au-delà des aspects sensuels et superficiels qui participent du charme de la vie ajaccienne, Constant Sbraggia convoque ici tous les grands écrivains passés par Ajaccio (Flaubert, Balzac, Daudet, Gide, Loti, Maupassant, Maurras, Morand, Gracq, Matzneff, Rouaud, etc.), quelques peintres (Matisse : « Je fis la découverte d'une lumière particulière que je n'avais pas soupçonnée jusqu'alors », Dufy, etc.), des héros de l'histoire (Napoléon, Danielle Casanova, Fred Scamaroni, le commandant L'Herminier) et des personnages illustres (François Coty, Tino Rossi, Nicolas Pietri, etc.). Ils ne servent pas, les uns et les autres, à embellir et mythifier le passé, mais sont des repères utiles pour aujourd'hui, des clefs pour comprendre la ville, des modèles.

Au hasard des multiples petites rubriques dans lesquelles, de façon alphabétique, il déclare sa flamme à Ajaccio - Dictionnaire égoïste ou Dictionnaire amoureux ? -, l'auteur livre entre les lignes sa manière de voir le monde, presque une philosophie politique, où il dénonce pêle-mêle indifférence au passé, racisme ou consumérisme. C'est la leçon supérieure que délivre la ville impériale.