Les manufactures de tabacs et d'allumettes : morlaix, nantes, le mans et trélazé (xviiie-xxe siècles

La manufacture: une société hiérarchisée, disciplinée, organisée par des ingénieurs tour à tour gestionnaires, techniciens et bâtisseurs, qui ont pour mission d'administrer deux monopoles. Celui des Tabacs où l'on époularde, file, râpe et torréfie la précieuse matière première. Celui des Allumettes où l'on réduit les troncs d'arbres en tiges et manipule les produits chimiques. Affectés à ces opérations, des hommes, parfois des enfants, et un nombre considérable de femmes, composent un personnel divisé en brigades, communauté solidaire travaillant sous l'autorité d'un seul et même employeur: l'État.

La manufacture: un lieu d'expérimentation, où les ingénieurs mettent au point des torréfacteurs et des hachoirs à scaferlati, des moulins à poudre et des machines à confectionner les cigarettes ou les allumettes, un outillage de série perfectionné employé à la fabrication de quatre grandes catégories de produits: d'un côté, les tabacs à mâcher, à priser et à fumer, et de l'autre, les allumettes chimiques à friction, dont la qualité garantit l'intérêt du consommateur tout autant que celui du Trésor public.

La manufacture: un îlot industriel isolé en centre urbain, une organisation rigoureuse pensée en termes de symétrie et d'harmonie, avec des façades soignées, des ateliers aux salles démesurées, normalisées, des poteaux, des colonnes, des charpentes, en bois, en fer ou en béton armé. À travers les exemples de Morlaix, Nantes, Le Mans et Trélazé, ce sont à la fois les espaces, les matériaux, les structures et les formes de la manufacture qui racontent ici l'histoire de l'industrie d'État, qui témoignent de l'évolution d'une pratique architecturale sur trois siècles et qui, tout en favorisant l'enracinement d'une mémoire ouvrière encore vive, concourent à la compréhension d'un patrimoine industriel d'exception.